Des community-managers au sommet de leur art !
Alors que les Académies du Tourisme Numérique se tiennent en ce moment-même à Aix-les-Bains (les 11 & 12 Juin, au Centre des Congrès) il nous apparaissait plus qu’intéressant de faire le point sur la prise de conscience des stations de ski vis-à-vis du marketing digital, et du community-management en particulier. Les recettes brutes des domaines skiables français ont doublé entre 2000 et 2015, passant de 724 M€ à 1.315 M€. A titre d’exemple, Avoriaz a généré un CA 39 M€ en 2014. La Plagne : 69,5 M€ cette même année. Val Thorens : 50 M€ en 2011, 60 M€ en 2014, en dégageant un bénéfice net de 8 M€. « Tout a commencé il y a 2 ans, lorsque le directeur de l’office de tourisme de La Plagne a discuté avec les responsables du Puy-du-Fou » se souvient Christophe Lavaut, le community-manager de la Plagne. Les dirigeants du célèbre parc vendéen, qui accumule les titres de « meilleur parc d’attraction du monde à trois reprises depuis 2012, expliquent alors leur incroyable succès au directeur de la station savoyarde : « c’est en grande partie grâce à notre présence sur les réseaux sociaux. En ne perdant pas le contact tout au long de l’année nous obtenons un taux de revisite record (65%) et tous les ans, notre fréquentation augmente de 6 à 10%, notre chiffre d’affaires de 12 à 17% ». Dans un contexte morose (sur l’ensemble de ses parcs de loisirs, la CDA affichait en 2012/2013 une baisse des visites de 7,2%) ces chiffres forcent l’envie et l’admiration ! Ni une ni deux, le directeur de La Plagne entreprend alors de convaincre les élus et les partenaires de l’office de tourisme de La Plagne afin qu’un spécialiste du community-management soit recruté. D’autant que Val Thorens, une autre grande station savoyarde, joue à fond la carte du digital sous l’impulsion de son nouveau directeur, Gregory Guzzo, un visionnaire qui a fait ses armes à Brides-les-Bains et dont la clairvoyance et le dynamisme ne mettent pas longtemps à porter leurs fruits : meilleure station de ski au monde en 2013 et 2014, station la plus innovante… de quoi titiller la concurrence, en particulier en Tarentaise ! Ces récompenses ne sont que le couronnement d’une démarche implacablement intelligente et ambitieuse, qui s’est traduite par une progression de CA de +11% entre 2013 et 2014, principalement liée au travail spécifique qui a été mené par Grégory Guzzo et son équipe sur le canal du marketing digital, l’intelligence économique et la communication avec les consommateurs. Pour mesurer la performance que cela représente, à titre de comparaison, les autres stations de Tarentaise obtenaient au mieux entre 2 et 4% de progression à la même période, soit 3 à 5 fois moins…
(Gregory GUZZO – Directeur de l’Office de Tourisme de Val Thorens)
La recette gagnante part d’un constat issu d’une étude Gartner qui indiquerait que l’abandon d’une marque serait dû à 68% à l’absence de contact avec la marque. Là où Grégory Guzzo a fait particulièrement fort c’est qu’il a réinventé le métier de l’office de tourisme. Du « rôle exclusivement informatif » que relate Christophe Lavaut à La Plagne, Gregory Guzzo a posé l’office de tourisme de Val Thorens en « générateur de business », utilisant pour cela la puissance du CRM pour croiser les données de la plupart des prestataires de la station, les analyser, et multiplier par 12 la base de contacts qu’ils pouvaient dès lors séduire en direct par email. Le coût de fidélisation étant nettement moins élevé que le coût d’acquisition (de 3 à 5 fois moins selon les études), avec en plus de ça un effet ciseaux entre crise et baisse des journées skieurs d’une part, et augmentation des coûts d’acquisition via le SEA d’autre part, il s’avère absolument stratégique de maintenir le contact avec les vacanciers qui ont déjà séjourné. Le community-manager intervient dans le cadre de cette stratégie, sur différents leviers de fidélisation :
- Il actionne une fidélisation émotionnelle, qui opère par la séduction d’images de la station et de son environnement qui font rêver, par le partage de valeurs saines et une communication sur des actions responsables, en faveur de l’environnement et du bien-être des clients par exemple.
- Le maintien d’une relation constante via les réseaux sociaux, pour ne jamais disparaître dans l’esprit du consommateur.
- Un ensemble d’attentions qui vont flatter le consommateur : la reconnaissance d’un statut particulier, des réponses personnalisées, des privilèges spécifiques, des invitations, etc.
Lorsqu’on sait qu’une baisse d’environ 3% des recettes comme l’hiver dernier, représente 30% de la marge en moyenne, on comprend que les stations de ski se soient engagées dans des démarches tous azimuts qui visent à la fois la fidélisation et la conquête de nouveaux clients. On cherche même à élargir les possibilités d’activité afin d’attirer davantage de monde mais également parce qu’un vacancier qui vit un séjour riche en activités est plus satisfait, il vit une expérience mémorable qu’il a envie de partager et qui lui donne envie de revenir. Les community-managers prennent le relais sur ces deux derniers points, en actionnant les leviers que nous évoquions précédemment. En maintenant le contact tout au long de l’année et en publiant des images et des vidéos qui font envie, on pense à cette station et à aucune autre lorsque vient le moment de planifier ses vacances de ski. Et si on ne connait pas encore la destination, une visite sur la page facebook permet de s’immerger dans les paysages et l’ambiance de la station, de lire les avis, et de se rendre compte de l’implication de la station dans le bien-être et la réussite du séjour de ses vacanciers. Les stations qui ne déploient pas cette stratégie ou qui ne la déploie pas de manière professionnelle sont clairement désavantagées.
Les générations Y et Z, ou « digital native » constituent une cible cruciale pour les stations de ski. Ils ont entre 20 et 40 ans, c’est le groupe générationnel le plus large après les « baby-boomers » (13 Millions de personnes en France). Ils ont été élevés dans l’ère numérique et souhaitent vivre des expériences innovantes et idéales. Cette génération est intrinsèquement attirée par le digital et le digital est donc désormais le trait d’union entre cette génération Y – Z et les stations de ski. Etudes sociologiques et analyse du discours permettent de comprendre que ce groupe générationnel a un fort besoin d’appartenance à une tribu, réunie par une passion, des valeurs ou des expériences communes. Ils n’achètent pas un produit mais une expérience et ils attendent une relation marque-consommateur décloisonnée. Méfiants, analytiques, communautaristes, ils savent rechercher l’information et font davantage confiance aux avis et recommandations des amis et des personnes qui partagent les mêmes passions plutôt qu’aux discours commerciaux des marques. Avec ces deux groupes générationnels nous basculons d’une économie de services à une économie d’expériences, du discours marketing au dialogue. Les stations de ski ne doivent pas louer un hébergement mais proposer une expérience de séjour sur-mesure, quasiment mise en scène à la carte en fonction des attentes propres à chacun. La station doit apporter une réelle plus-value dans l’existence du consommateur, cette notion va donc bien au-delà de la fourniture d’une prestation de service et elle intègre l’ensemble des stimulis capables d’atteindre, de séduire et de retenir le consommateur. N’oublions pas que l’expérience-client désigne l’ensemble des émotions et des sentiments ressentis par un client avant, pendant et après l’achat d’un produit ou d’un service, au travers des multiples expositions aux points de contact qui sont généralement la publicité online et offline, le site web, les points de vente, les zones de départ et d’arrivée des remontées mécaniques, son ressenti sur le domaine skiable et lorsque les stations y sont présentes bien sûr, les réseaux sociaux. De là à considérer que les stations de ski deviennent des parcs à thème, il n’y a qu’un pas. Il n’est d’ailleurs pas anodin que le plus gros acteur français dans le secteur des domaines skiables le soit également au niveau des parcs à thème. Comme les parcs à thème, les stations de ski doivent placer l’expérience-client au cœur de leur stratégie, faire éprouver aux vacanciers du plaisir, du désir et de l’envie, sans jamais les décevoir et si possible en les surprenant et en humanisant la relation. Pour se démarquer de la concurrence et avoir une chance de créer la préférence, les stations doivent développer des éléments différenciants et viser la perfection à tous les niveaux. En effet, le mécontentement est une menace : non seulement parce qu’un client qui n’est pas totalement convaincu a peu de chance de revenir, mais aussi parce qu’un client déçu va exprimer son mécontentement à 3 fois plus de monde en moyenne. Avec les générations Y et Z nous sommes passés de l’ère du discours à celle du dialogue. Les réseaux sociaux permettent précisément d’engager ce dialogue avec les vacanciers sur la perception de tel ou tel service, existant ou à venir, permettant aux stations de se montrer soucieuses de l’avis et du bien-être des vacanciers et ce faisant, de développer une image positive. C’est à la fois un élément de proximité et un élément de confiance crucial pour engager et maintenir le lien entre les consommateurs et les stations de ski.